Faire une erreur médicamenteuse, c’est la crainte de tout soignant. Que tu sois étudiant ou infirmier diplômé, tu sais à quel point chaque geste compte, surtout lorsqu’il s’agit d’administrer un traitement. Et pourtant, malgré la vigilance, la charge mentale, les interruptions, la fatigue ou les situations d’urgence… l’erreur peut survenir.
Pas de panique : l’essentiel est de savoir réagir rapidement et avec professionnalisme. Car une bonne gestion de l’erreur peut limiter les conséquences pour le patient, tout en permettant d’en tirer des enseignements précieux pour sécuriser les pratiques.
Dans cet article, je t’explique pas à pas quoi faire en cas d’erreur médicamenteuse, comment en informer les bonnes personnes, quand et pourquoi la déclarer, et surtout comment les éviter au maximum. On parle aussi des bonnes pratiques à adopter au quotidien pour te protéger toi, ton patient, et ta responsabilité professionnelle.
👉 Un sujet essentiel à maîtriser, car en parler, c’est aussi contribuer à une culture de la sécurité et du non-jugement dans les soins !
Qu’est-ce qu’une erreur médicamenteuse ?
Une erreur médicamenteuse désigne toute défaillance, accidentelle ou évitable, survenant à un moment du circuit du médicament : depuis la prescription médicale jusqu’à l’administration au patient. Elle peut se produire à n’importe quelle étape du processus, et entraîner un risque, voire un dommage réel pour le patient.
👉 Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), une erreur médicamenteuse peut concerner :
- 💊 Le mauvais médicament : confusion entre deux noms proches (ex. : Lovenox® vs Levothyrox®).
- 🔢 Une erreur de dose : dose trop forte ou trop faible par rapport à la prescription.
- 💉 La mauvaise voie d’administration : IV au lieu de SC, ou voie orale au lieu de voie nasogastrique.
- ⏰ Une erreur de moment ou de fréquence : oublier un horaire ou répéter trop souvent une prise.
- ❌ Un oubli d’administration : le traitement prescrit n’a pas été administré.
🔍 Mais attention : l’erreur peut aussi venir d’une mauvaise transcription, d’un problème d’étiquetage, d’un médicament mal préparé, ou d’une erreur de patient (ex. : administration à la mauvaise personne dans un service à forte charge).
Ces erreurs peuvent être sans conséquence, mais parfois, elles peuvent entraîner des effets indésirables graves, une hospitalisation prolongée… voire pire. D’où l’importance de comprendre, repérer et signaler ces événements pour améliorer la sécurité des soins.
Que faire en cas d’erreur médicamenteuse ?
1. Identifier rapidement l’erreur
Le premier réflexe à avoir lorsqu’une erreur est suspectée ou constatée : rester calme et lucide. Ensuite, il faut agir sans délai pour en limiter les conséquences.
💡 Ton objectif immédiat : évaluer la nature de l’erreur et ses possibles impacts cliniques.
Pose-toi les bonnes questions :
- Quel médicament a été administré ? Est-ce le bon ?
- À quelle dose ? Par quelle voie ? À quel moment ?
- Y a-t-il une interaction médicamenteuse possible ?
- Le patient présente-t-il déjà des signes d’effets indésirables ?
👉 Parfois, c’est le soignant lui-même qui réalise l’erreur juste après le geste. D’autres fois, c’est un collègue ou un changement de service qui met l’erreur en lumière. Dans tous les cas, il ne faut pas minimiser ce que tu constates.
Exemple concret :
Tu administres une injection d’insuline rapide (Actrapid®) à un patient diabétique… puis tu réalises que la prescription du jour concernait de l’insuline lente (Lantus®). Tu dois immédiatement :
- repérer l’erreur,
- noter l’heure de l’injection,
- et anticiper une possible hypoglycémie rapide.
🎯 L’identification rapide est la clé d’une réponse adaptée. Plus tu agis vite, plus tu peux éviter une aggravation de l’état du patient.
2. Surveiller l’état du patient
Une fois l’erreur identifiée, ta priorité absolue est de surveiller attentivement le patient. Certains médicaments peuvent provoquer des effets indésirables immédiats ou différés, parfois graves : hypoglycémie, choc anaphylactique, bradycardie, détresse respiratoire…
🎯 Le but : détecter rapidement tout signe d’alerte pour intervenir sans délai.
🔬 Les paramètres à surveiller de près :
- Constantes vitales : tension artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, température, saturation en O₂.
- État neurologique : vigilance, pupilles, confusion, agitation ou somnolence inhabituelle.
- État cutané : sueurs, rougeurs, urticaire, signes d’allergie.
- Fonctions respiratoires : dyspnée, bruits anormaux, cyanose.
- Diurèse et autres données biologiques (si disponibles).
📝 Pense à noter toutes tes observations sur le dossier de soins. Cela permet une traçabilité claire, utile pour l’équipe et pour le médecin.
🆘 À surveiller de très près :
Certains médicaments imposent une vigilance renforcée :
- Anticoagulants (risque d’hémorragie)
- Hypoglycémiants (risque d’hypo sévère)
- Morphiniques (risque de dépression respiratoire)
- Médicaments à marge thérapeutique étroite (ex. : Digoxine, Lithium…)
🎓 Rappelle-toi que même si le patient semble stable, les effets peuvent apparaître avec un délai. Donc : reste attentif pendant plusieurs heures selon le produit concerné.
3. Informer immédiatement le médecin
Dès que l’erreur est identifiée et que tu as commencé à surveiller le patient, tu dois prévenir le médecin sans attendre. C’est une étape essentielle, qui permet d’engager rapidement les mesures correctives adaptées.
🎯 Le rôle du médecin dans ce contexte :
- Évaluer la gravité de l’erreur
- Estimer les risques cliniques
- Prescrire les examens nécessaires
- Mettre en place un traitement correctif si besoin (antidote, traitement symptomatique…)
- Décider du niveau de surveillance ou d’éventuelle hospitalisation
🧠 Prépare les infos utiles avant d’appeler :
Pour gagner du temps et faciliter la décision médicale, prépare une transmission claire en t’aidant du schéma « SBAR » :
- S (Situation) : Quelle est l’erreur ? Quand s’est-elle produite ?
- B (Background) : Quel est l’état clinique du patient ? Quelles sont ses pathologies connues ?
- A (Assessment) : Quels signes cliniques sont présents actuellement ?
- R (Recommendation) : Que proposes-tu ? Que souhaites-tu comme conduite à tenir ?
🗣 Exemple de formulation :
« Docteur, je vous appelle pour une erreur d’administration : j’ai donné 10 mg de Lasilix IV au lieu de 5 mg. Le patient est stable pour l’instant, TA à 110/70, diurèse correcte, pas de signes d’hypovolémie. Souhaitez-vous une surveillance rapprochée ou un contrôle iono ? »
💬 Et bien sûr, note l’heure de l’appel, la réponse médicale et les prescriptions données dans le dossier de soins.
4. Avertir l’équipe soignante
Tu n’es pas seul. Une fois le médecin informé, il est essentiel de prévenir le reste de l’équipe : infirmiers, aides-soignants, cadres… Travailler en équipe permet de mieux réagir et d’assurer une prise en charge cohérente et sécuriséedu patient.
👂 Pourquoi c’est important ?
- Pour que tous les soignants sachent qu’un événement a eu lieu (éviter une double administration ou une fausse interprétation).
- Pour organiser une surveillance partagée et éviter de passer à côté d’un signe d’alerte.
- Pour instaurer un climat de confiance et de transparence, même en cas d’erreur.
💬 Comment informer l’équipe ?
- Transmets l’information clairement lors du staff ou du passage de consignes.
- Note l’événement dans le dossier de soins.
- S’il y a une relève en fin de poste, pense à faire une transmission précise à l’infirmier suivant.
📌 Si tu travailles en EHPAD, SSR ou à domicile, préviens aussi les collègues de nuit ou les intervenants extérieurs si cela a un impact.
💡 À retenir : communiquer l’erreur, ce n’est pas « se dénoncer », c’est agir en professionnel responsable. C’est protéger le patient et améliorer la qualité des soins ensemble.
5. Informer le patient avec transparence
C’est sans doute l’étape la plus délicate émotionnellement, mais aussi l’une des plus importantes : parler de l’erreur au patient.
🎯 Pourquoi ? Parce que le patient a le droit de savoir ce qui s’est passé, surtout si cela a un impact sur sa santé ou son traitement. Mais aussi parce que la confiance se construit dans la transparence, même dans l’adversité.
🧭 Comment s’y prendre concrètement ?
🧑⚕️ Prépare-toi en amont :
- Prends connaissance des faits précis et des mesures déjà prises.
- Rapproche-toi du médecin si besoin pour coordonner le discours.
🗣 Adapte ton discours à la situation :
- Choisis un moment calme, sans témoins si possible, pour favoriser une discussion honnête et respectueuse.
- Sois sincère, sans dramatiser ni minimiser.
- Utilise des termes simples, sans jargon médical.
- Explique les mesures prises pour corriger l’erreur et assurer une surveillance renforcée.
💡 Exemple :
« Je voulais vous informer qu’une erreur a eu lieu ce matin : une dose un peu plus élevée de votre traitement vous a été administrée. Je m’en suis rendu compte rapidement, le médecin a été prévenu, et nous avons mis en place une surveillance pour éviter tout risque. Pour l’instant, tout va bien, mais je reste à votre écoute. N’hésitez pas si vous avez la moindre question ou inquiétude. »
👨👩👦 Si le patient n’est pas en capacité de comprendre (démence, coma, enfant, etc.), l’information pourra être transmise au représentant légal ou à la famille, dans le respect du secret professionnel et avec l’accord du médecin.
🤝 Ce type de démarche est difficile, mais elle montre ta maturité professionnelle, ta responsabilité et ton respect de la personne soignée.
6. Déclarer l’erreur
Une fois l’urgence prise en charge et le patient informé, il est essentiel de déclarer l’erreur. Ce n’est pas une option : c’est une démarche professionnelle, obligatoire et constructive.
🎯 L’objectif ? Comprendre, corriger, et prévenir. Pas de blâme, mais une volonté d’amélioration continue des pratiques et de sécurité des soins.
🛠 Où et à qui déclarer ?
Selon ton lieu d’exercice, la déclaration peut se faire :
- Sur le logiciel interne de gestion des événements indésirables (ex : OSIRIS, e-VoSin, REX, etc.).
- Auprès du cadre de santé ou du responsable qualité/gestion des risques.
- À la pharmacovigilance (notamment pour des effets secondaires graves ou inattendus).
- Sur le portail national de signalement des événements sanitaires (www.signalement.social-sante.gouv.fr), en tant que professionnel de santé.
👨⚕️ Bon à savoir :
- La déclaration peut être anonyme, selon les structures.
- Elle n’entraîne pas de sanction disciplinaire si elle est faite de bonne foi et sans intention de nuire.
- Elle est essentielle pour repérer les erreurs récurrentes, corriger les failles organisationnelles, et éviter qu’un autre soignant vive la même situation.
🧠 Conseil mémo :
Déclarer une erreur, ce n’est pas « se dénoncer », c’est protéger les patients futurs et faire évoluer les pratiques collectives. C’est un acte de courage, d’humilité et de professionnalisme.
7. Réaliser une analyse des causes
Une fois l’erreur gérée et déclarée, il est temps de prendre du recul. Pourquoi cette erreur est-elle survenue ? Comment éviter qu’elle ne se reproduise ? Cette étape d’analyse est fondamentale pour apprendre de l’erreur, sans jugement ni culpabilité.
🎯 L’idée n’est pas de chercher un coupable, mais de comprendre les causes profondes pour mettre en place des solutions durables.
🛑 Erreurs humaines… ou organisationnelles ?
Les erreurs ne sont presque jamais le fruit d’une seule personne. Elles résultent souvent d’un enchaînement de petits facteurs, qu’on appelle les « causes contributives » :
- Fatigue ou surcharge de travail
- Interruptions fréquentes pendant la préparation ou l’administration
- Médicaments au nom ou au packaging trop proches
- Manque de clarté dans la prescription
- Protocoles non connus ou non appliqués
- Mauvaise communication dans l’équipe
🧠 L’analyse peut être faite à l’échelle individuelle (auto-analyse), mais aussi collective (réunion de retour d’expérience, RMM – revue de morbi-mortalité…).
🧰 Outils utiles :
- Le diagramme d’Ishikawa (causes multiples en arêtes de poisson)
- Les 5 pourquoi (poser « pourquoi » 5 fois pour remonter à la cause racine)
- Les outils de gestion des risques utilisés par les cadres ou référents qualité
💬 En parler, c’est aussi se protéger psychologiquement. Car les erreurs peuvent marquer, générer de la culpabilité, voire un « syndrome du second victim ». Être accompagné et soutenu par l’équipe est essentiel.
Comment prévenir les erreurs médicamenteuses ?
Même si le risque zéro n’existe pas, il existe de nombreux leviers pour réduire considérablement les erreurs médicamenteuses dans la pratique infirmière. Ces gestes simples, répétés au quotidien, font toute la différence.
🖐️ 1. Appliquer les 5 B systématiquement
Avant chaque administration, vérifie les 5 fondamentaux :
- Bon patient 🧑⚕️ (identito-vigilance, bracelet, fiche)
- Bon médicament 💊 (nom, forme galénique, aspect)
- Bonne dose 🔢 (vérification du calcul si besoin)
- Bonne voie d’administration 💉 (IV, IM, SC, PO, etc.)
- Bon moment ⏰ (respect des horaires prescrits)
🔄 Ce réflexe peut te paraître basique… mais c’est justement parce qu’il est simple qu’il doit être automatique !
📘 2. Suivre les protocoles et recommandations
Les établissements de santé disposent de protocoles clairs (ex : dilution des injectables, médications à jeun, délai entre deux prises…). Ne reste pas seul si tu as un doute : le protocole est ton meilleur allié pour sécuriser ta pratique.
👥 3. Utiliser la double vérification pour les produits à risque
Pour certains médicaments dits « à haut risque » (insuline, potassium, anticoagulants, morphiniques, chimiothérapie…), la double vérification entre deux soignants est indispensable. Elle permet de rattraper une erreur de calcul ou de lecture avant administration.
❌ 4. Se protéger des distractions
Les interruptions sont une cause fréquente d’erreur. Si possible :
- Installe-toi dans un endroit calme pour préparer les traitements.
- Informe tes collègues de ne pas te déranger pendant la préparation.
- Utilise un pictogramme ou un gilet « Ne pas déranger » (de plus en plus utilisé en milieu hospitalier).
🖊️ 5. Assurer une traçabilité rigoureuse
Note immédiatement :
- Ce qui a été administré
- L’horaire réel
- Les réactions éventuelles du patient
📌 Ce suivi écrit permet une meilleure coordination entre soignants et une traçabilité médico-légale en cas d’incident.
📚 6. Se former régulièrement
La sécurité médicamenteuse évolue : nouvelles molécules, alertes de pharmacovigilance, nouvelles procédures… Participer à des formations continues (présentielles ou e-learning) permet de rester à jour, de renforcer ta vigilance, et de partager des retours d’expérience utiles.
Pour conclure
Les erreurs médicamenteuses sont une réalité du terrain infirmier. Aucun soignant, même expérimenté, n’est à l’abri. Ce qui fait la différence, c’est ta capacité à réagir avec calme, rigueur et humanité.
✅ À retenir :
- Une erreur peut survenir à n’importe quelle étape : prescription, préparation, administration.
- En cas d’erreur : agir vite, surveiller, informer, déclarer, analyser.
- La transparence avec le patient et l’équipe est un pilier de la relation de soin.
- Prévenir, c’est adopter des réflexes simples et efficaces : 5B, double vérif, concentration, formation continue.
🎯 Et toi, es-tu prêt à agir en cas d’erreur ?
👉 N’attends pas que ça arrive pour y penser ! Forme-toi, parle-en avec ton équipe, relis les protocoles, et prépare-toi à réagir de manière professionnelle.
📥 Tu peux aussi télécharger et imprimer une fiche mémo « Que faire en cas d’erreur médicamenteuse ? » à afficher dans ton service ou à glisser dans ton carnet de stage.
🧠 Petit quiz – Et toi, tu sais réagir ?
1. Quels sont les 5B à vérifier avant toute administration ?
2. Faut-il toujours informer le patient d’une erreur, même si elle n’a pas eu de conséquence ?
📥 Télécharge ta fiche mémo à imprimer
Tu veux garder sous la main un aide-mémoire clair, rapide et efficace ? Télécharge cette fiche pratique qui résume toutes les étapes à suivre en cas d’erreur médicamenteuse.
📄 Télécharger la fiche mémo (PDF)
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