En tant que soignant(e), tu seras forcément confronté(e) à la douleur des patient(e)s. Qu’elle soit physique, psychique, aiguë ou chronique, la douleur est une expérience profondément personnelle, souvent difficile à décrire, mais toujours importante à écouter et à prendre en charge.
La douleur ne se voit pas toujours. Elle ne s’exprime pas forcément avec des mots. Pourtant, elle peut altérer la qualité de vie, perturber le sommeil, l’appétit, l’humeur… et même ralentir le processus de guérison.
🎯 Ton rôle d’infirmier(ère) ou d’étudiant(e) en soins infirmiers est donc essentiel :
- Identifier les signes de douleur, même discrets ou atypiques
- Évaluer la douleur à l’aide d’outils adaptés à chaque situation
- Collaborer avec l’équipe pour mettre en place une prise en charge efficace
- Proposer un soulagement qui allie bienveillance, technicité et humanité
Dans cet article, tu trouveras :
- Les différents types de douleurs à connaître pour mieux les reconnaître,
- Les échelles et outils d’évaluation adaptés à chaque contexte,
- Les moyens thérapeutiques (médicamenteux et non médicamenteux),
- Et le rôle clé de l’infirmier(ère) dans le suivi et l’adaptation des soins antalgiques.
Parce qu’évaluer et soulager la douleur, c’est aussi soigner avec humanité, on t’accompagne ici pour renforcer tes compétences, affiner ta posture professionnelle, et améliorer le quotidien des patient(e)s.
1. Comprendre la douleur : définition et types
La douleur est définie par l’IASP (International Association for the Study of Pain) comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite comme telle. Cela signifie que même sans cause visible, la douleur d’un(e) patient(e) est légitime. Elle doit donc toujours être écoutée et évaluée.
Il n’existe pas une seule douleur, mais plusieurs formes de douleurs, qu’il est important de savoir différencier pour proposer une prise en charge adaptée.
🔹 Les grands types de douleur
⚡ Douleur aiguë
- Début soudain, durée limitée.
- Souvent liée à une cause identifiable : blessure, chirurgie, infection…
- Sert de signal d’alerte : elle protège l’organisme en attirant l’attention sur un danger.
- Elle répond généralement bien aux traitements antalgiques.
Exemple : douleur post-opératoire, entorse, brûlure.
🕒 Douleur chronique
- Persiste au-delà de 3 mois, parfois sans cause identifiable.
- Elle peut être continue ou intermittente, et souvent altère la qualité de vie.
- Parfois accompagnée de fatigue, anxiété, isolement social.
- Nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée.
Exemple : arthrose, lombalgies, fibromyalgie, douleurs cancéreuses.
🔥 Douleur nociceptive
- Provoquée par la stimulation des récepteurs de la douleur (nocicepteurs).
- Peut être somatique (peau, os, muscle) ou viscérale (organes internes).
- Souvent bien localisée et décrite comme une douleur franche.
Exemple : douleur liée à une inflammation, fracture, colique néphrétique.
⚡ Douleur neuropathique
- Résulte d’une atteinte ou d’un dysfonctionnement du système nerveux (central ou périphérique).
- Décrite comme des décharges électriques, brûlures, fourmillements, engourdissements.
- Peut être spontanée ou provoquée par un stimulus normalement non douloureux (allodynie).
Exemple : sciatique, zona, douleur post-AVC, neuropathie diabétique.
📌 Ces classifications peuvent se croiser chez un(e) même patient(e). Par exemple, une personne atteinte de cancer peut avoir à la fois une douleur nociceptive (inflammation tumorale) et une douleur neuropathique (compression nerveuse). Il est donc essentiel d’adopter une approche globale et nuancée.
2. L’évaluation de la douleur
L’évaluation de la douleur est une étape fondamentale dans la prise en charge. Elle repose sur une écoute attentive, un dialogue avec le ou la patient(e), et l’utilisation d’outils adaptés à la situation (âge, état cognitif, communication…).
🎯 L’objectif est double :
- Mesurer l’intensité de la douleur pour adapter les traitements
- Comprendre ses caractéristiques pour mieux cibler l’origine et les besoins
🔹 1. Les échelles d’évaluation
Plusieurs échelles sont à la disposition des soignant(e)s. Le choix dépend du profil du ou de la patient(e) (âge, état de conscience, troubles cognitifs).
📏 EVA – Échelle Visuelle Analogique
- Une ligne horizontale allant de 0 (« aucune douleur ») à 10 (« douleur maximale imaginable »).
- Le ou la patient(e) place un curseur ou indique un point correspondant à son ressenti.
- Très utilisée, notamment en post-opératoire.
🔢 ENS – Échelle Numérique Simple
- On demande au patient ou à la patiente de donner une note de 0 à 10 selon son intensité douloureuse.
- Rapide, efficace, bien adaptée aux patient(e)s communicant(e)s.
🗣️ EVS – Échelle Verbale Simple
- Le ou la patient(e) qualifie sa douleur parmi plusieurs niveaux proposés :
→ « Absente » / « Faible » / « Modérée » / « Intense » / « Très intense » - Facile à comprendre, utile quand le chiffrage est difficile.
👀 Échelle comportementale
- Utilisée chez les patient(e)s non communicant(e)s (enfants en bas âge, personnes intubées, troubles cognitifs…).
- Observation de signes indirects :
- expressions faciales,
- crispations,
- agitation,
- vocalisations,
- modification des constantes (fréquence cardiaque, tension…).
Exemples d’échelles : FLACC, Algoplus, Doloplus.
🔎 2. Les caractéristiques de la douleur à explorer
L’évaluation ne se limite pas à une note. Il est essentiel de mener un véritable interrogatoire clinique, en adaptant le vocabulaire si besoin.
Voici les éléments à recueillir :
- L’ancienneté et le contexte d’apparition : Depuis quand ? Progressif ou brutal ?
- Le type de douleur : Brûlure, coup de poignard, picotement, pression, etc.
- La localisation : Où ça fait mal ? La douleur irradie-t-elle ailleurs ?
- Les facteurs aggravants et soulageants : Ce qui empire ? Ce qui apaise ?
- La fréquence et la durée : Douleur continue ou par crises ?
- Les répercussions sur la vie quotidienne : Sommeil, appétit, mobilité, humeur…
- Les traitements déjà pris et leur efficacité.
💬 Encourage toujours le ou la patient(e) à s’exprimer avec ses mots. Une douleur bien décrite est une douleur déjà mieux prise en charge.
3.La prise en charge de la douleur
Une fois la douleur évaluée, l’objectif est clair : soulager le ou la patient(e) de façon efficace et adaptée à sa situation. Pour cela, les professionnel(le)s du soin adoptent une stratégie multimodale, c’est-à-dire une association de plusieurs approches complémentaires.
🎯 Pourquoi ? Parce qu’il n’existe pas une seule solution miracle, mais un ensemble d’outils à combiner pour mieux répondre aux besoins de chaque personne.
🔹 1. Les traitements médicamenteux
Les médicaments antalgiques sont classés selon l’échelle de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en trois paliers, à adapter en fonction de l’intensité de la douleur.
💊 Palier 1 : Douleurs légères à modérées
- Paracétamol (Doliprane, Dafalgan…)
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : ibuprofène, kétoprofène…
- Utilisés seuls ou en association, avec une surveillance des contre-indications (insuffisance rénale, ulcère, etc.).
💊 Palier 2 : Douleurs modérées à intenses
- Opioïdes faibles : tramadol, codéine, opium…
- Nécessitent une surveillance accrue des effets secondaires : somnolence, nausées, constipation, risque de dépendance.
💊 Palier 3 : Douleurs sévères ou rebelles
- Opioïdes forts : morphine, fentanyl, oxycodone…
- Utilisés en milieu hospitalier ou à domicile avec protocole spécifique.
- Surveillance infirmière essentielle : vigilance respiratoire, évaluation continue de la douleur, adaptation des doses.
💊 Médicaments adjuvants
- Pour les douleurs neuropathiques : antidépresseurs tricycliques (amitriptyline) ou antiépileptiques (gabapentine, prégabaline).
- Ils ne sont pas antalgiques à proprement parler, mais modulent la transmission nerveuse de la douleur.
📌 Important : le rôle de l’infirmier(ère) est crucial dans la préparation, l’administration, la surveillance et la réévaluation de ces traitements.
🔹 2. Les approches non médicamenteuses
Elles viennent en complément, voire parfois en première intention, notamment quand la douleur est modérée ou que les médicaments seuls ne suffisent pas.
🤲 Techniques physiques
- Massages, mobilisation douce, kinésithérapie
- Thermothérapie (application de chaleur ou de froid)
- Contention/positionnement adapté pour éviter les tensions douloureuses
🧘♀️ Techniques psychocorporelles
- Relaxation, méditation de pleine conscience, sophrologie
- Hypnose médicale (très utilisée en soins palliatifs, bloc opératoire, pansements complexes)
💬 Soutien psychologique
- Écoute active, présence, bienveillance
- Aider le ou la patient(e) à verbaliser sa douleur et ses émotions
- Lutter contre l’anxiété et le sentiment d’abandon
🧠 Certaines douleurs s’amplifient en contexte de stress, de solitude ou d’angoisse. C’est pourquoi ces approches globales sont essentielles.
4. Rôle de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur
Le ou la professionnel(le) infirmier(ère) est en première ligne dans l’évaluation, la surveillance et le soulagement de la douleur. Au-delà de l’administration des traitements, son rôle s’inscrit dans une approche globale et humaine, qui place le ou la patient(e) au cœur du soin.
Voici les principales missions à connaître et à intégrer dans ta pratique clinique :
🎯 1. Évaluer régulièrement la douleur
- Utiliser les échelles appropriées, en fonction de la capacité de communication du ou de la patient(e)
- Observer les signes indirects chez les personnes non communicantes (grimaces, agitation, pleurs…)
- Rechercher les caractéristiques précises de la douleur (type, durée, impact…)
💡 L’évaluation n’est pas un acte ponctuel, mais un suivi continu : elle doit être renouvelée à chaque changement d’état ou de traitement.
💊 2. Administrer les traitements et assurer la surveillance
- Respecter rigoureusement les prescriptions médicales et les protocoles
- Surveiller l’efficacité des traitements : la douleur est-elle soulagée ? Y a-t-il des effets secondaires ?
- Adapter la stratégie avec le médecin si nécessaire
📌 Exemple : si un antalgique de palier 1 ne suffit pas, alerter pour envisager un palier supérieur ou un traitement combiné.
🗣️ 3. Informer et rassurer le ou la patient(e)
- Expliquer les traitements, leur utilité, leurs effets secondaires possibles
- Valoriser la parole du ou de la patient(e), ne jamais minimiser une douleur décrite
- Impliquer le ou la patient(e) dans les décisions : quelle stratégie lui convient le mieux ?
🧠 Rappelle-toi que la douleur est subjective : si un(e) patient(e) dit avoir mal, c’est qu’il ou elle a mal. Ton écoute est un soin à part entière.
🔄 4. Tracer, coordonner, ajuster
- Noter dans le dossier de soins : l’évaluation, les interventions, les effets observés
- Participer à la coordination avec l’équipe médicale et paramédicale (pharmacien(ne), kiné, psychologue…)
- Être force de proposition pour améliorer la prise en charge (changement de traitement, soins de confort, soutien psychologique…)
🤝 5. Accompagner la douleur dans toutes ses dimensions
- Physique : par les antalgiques, les soins techniques, la posture
- Émotionnelle : par la présence, l’écoute, la relation de confiance
- Sociale et spirituelle (notamment en soins palliatifs) : en respectant les valeurs et croyances du ou de la patient(e)
📣 En résumé : le rôle de l’infirmier(ère) est central, actif et collaboratif. Gérer la douleur, ce n’est pas juste donner un médicament, c’est accompagner une personne dans une expérience de souffrance – et faire en sorte qu’elle soit soulagée, entendue, et respectée.
Pour conclure
La douleur n’est pas seulement une manifestation physique : c’est une expérience globale, qui touche le corps, l’esprit et parfois l’âme. Pour le ou la soignant(e), la prise en charge de la douleur est au cœur de la qualité des soins.
👉 Savoir l’évaluer avec précision, adapter les traitements, proposer des approches complémentaires, écouter, rassurer et accompagner… voilà autant de missions fondamentales que tu peux remplir, avec rigueur et humanité.
🎯 Soulager une douleur, c’est rendre la dignité au(à la) patient(e), c’est valoriser le rôle du ou de la soignant(e), et c’est redonner du sens au soin.
Tu es parfois la première personne à repérer une douleur passée sous silence. Tu es souvent celle ou celui qui apporte du soulagement. Et tu es toujours un maillon essentiel de l’équipe pour porter cette responsabilité au quotidien.
Avec du temps, de l’expérience et de la formation, tu verras que soulager la douleur, c’est aussi apprendre à mieux soigner.
📌 Télécharge ta fiche mémo : La douleur en soins infirmiers
Une fiche pratique à imprimer ou à garder sous la main pour réviser l’essentiel : types de douleur, outils d’évaluation, traitements et rôle du ou de la soignant(e).